Véhicule de fonction et covoiturage : tout n’est pas permis !

Véhicule de fonction et covoiturage : tout n’est pas permis !

Publié le : 22/10/2018 22 octobre oct. 10 2018

Un salarié basé à Bordeaux était amené à effectuer de fréquents déplacements professionnels au siège de l’entreprise situé près de Nantes.
Il réalisait ces déplacements avec le véhicule de fonction que l’employeur lui avait attribué.
Il a été licencié pour cause réelle et sérieuse en raison de l’utilisation régulière de son véhicule de fonction à des fins lucratives, et ce sans l’autorisation de son employeur.
Il lui était reproché d’avoir proposé régulièrement des trajets payants, à des personnes étrangères à la société sur un site internet de co-voiturage.
Le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nantes en juillet 2016 avait invalidé le licenciement et reconnu que, si de tels agissements étaient fautifs, le licenciement constituait une sanction démesurée.

Ce jugement est infirmé par la cour d’appel de Rennes (CA Rennes 31 août 2018, n°16/05660).
La motivation des juges rennais est la suivante :
– Aucune preuve n’est apportée par le salarié que son employeur aurait eu connaissance depuis longtemps qu’il était inscrit sur le site de co-voiturage avec son véhicule de fonction.
– L’estimation des gains telle qu’elle résulte des annonces s’élève à plusieurs milliers d’euros de sorte qu’il a nécessairement réalisé des bénéfices.
– Aucun caractère privé de cette activité ne peut être retenu, puisque le salarié utilisait son véhicule professionnel.
– Il appartenait au salarié de tirer les conséquences du silence du règlement intérieur de l’entreprise en sollicitant au préalable l’autorisation de son employeur. Ce dernier l’aurait informé que l’assurance ne couvrait pas les personnes transportées dans un tel cadre.
La cour en tire la conclusion suivante : « le fait pour un responsable d’agence de pratiquer le covoiturage avec un véhicule de fonction à l’insu de son employeur en l’exposant à un risque compte tenu de l’absence de couverture de cette activité par l’assureur constitue une faute justifiant le licenciement ».
Les juges ont ainsi sanctionné l’abus d’utilisation de son véhicule de fonction par le salarié, celui-ci relevant d’un manquement à son obligation de loyauté, le caractère lucratif des co-voiturages conduisant probablement la cour d’appel à plus de sévérité.
Une position plus nuancée avait été adoptée par une autre cour d’appel qui, dans une situation similaire, avait certes estimé que le salarié avait eu une attitude déloyale vis-vis de l’employeur compte tenu notamment du risque financier lié à la survenance d’un accident mais aussi qu’en l’absence de préjudice subi par ce dernier le licenciement disciplinaire était dépourvu de d’une cause réelle et sérieuse (CA Riom 13 sept. 2016, n°05/02104), position sans doute critiquable, ne serait-ce qu’au regard du principe selon lequel l’existence d’une faute ne dépend pas du préjudice subi…

En pratique, il est donc vivement conseillé aux entreprises de formaliser leur position quant au covoiturage, par exemple dans le document encadrant la mise à disposition de véhicule de fonction annexé au contrat de travail.

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