Le CDD, super période d’essai ?

Le CDD, super période d’essai ?

Auteur : Benoît Tripon Avocat associé
Publié le : 20/12/2021 20 décembre déc. 12 2021

Méthode de recrutement sécurisée ou pratique dangereuse ? Très utilisé, le contrat à durée déterminée (CDD) sert parfois de « super période d’essai », la croyance étant que cet outil est plus facile à utiliser qu’une embauche en contrat à durée indéterminée (CDI). Ce n’est pas si simple.

Selon le ministère du travail, 87 % des embauches dans les établissements de 50 salariés ou plus dans le secteur privé ont été faites sous forme de CDD en 2019, pourcentage en augmentation croissante depuis des années. D’autres études montrent que la moitié des embauches de CDD sont en réalité des CDI « déguisés » les employeurs ne souhaitant pas embaucher directement les salariés en CDI, recourent à un CDD pour gérer une « super période d’essai ».

Une exception strictement encadrée

Il faut rappeler tout d’abord que la règle est l’embauche en CDI, qui est la forme normale et générale de la relation de travail.

Le CDD est une exception strictement règlementée, tant dans les cas de recours que dans les interdictions (article L1242-1 à L1242-6 du Code du travail).

Les sanctions juridiques et financières sont importantes, recourir à un CDD irrégulier peut entrainer : la requalification en contrat à durée indéterminée, des dommages et intérêts ainsi que des amendes. Les juges le rappellent régulièrement (ici par exemple), sans même parler de l’abus du recours aux CDD (comme dans cet arrêt, le premier d’une longue série)

À noter : Si beaucoup de CDD sont critiquables juridiquement, les contentieux sont très peu nombreux. 

Un gain financier ?

Depuis la loi du 25 juin 2008, le contrat a durée indéterminée qui comprend une période d’essai comprend également obligatoirement un délai de prévenance en cas de rupture de la période d’essai, dès que la période d’essai est supérieure à une semaine.

Ce délai de prévenance pendant lequel le salarié sait qu’il ne sera pas conservé, puisque son contrat a été rompu, mais dans lequel il doit travailler, est assez difficile à gérer socialement et humainement. Il conduit la plupart du temps les employeurs à dispenser de travail le salarié pendant cette période qui se trouve alors rémunérée mais non travaillée. C’est un coût non négligeable.
Le CDD présente, lui, l’intérêt, sauf rare convention collective, de pouvoir être arrêté à son terme sans prévenir préalablement le salarié. Cela peut se discuter en termes de gestion sociale et humaine, mais le salarié travaille ainsi, sans savoir que son contrat sera arrêté, jusqu’au terme du CDD. C’est aussi une souplesse de gestion.

Les risques encourus

Pour contrebalancer ces éléments, il convient de rappeler que le CDD, sauf exception, entraîne le paiement d’une indemnité de précarité au salarié au salarié, et depuis le 1er juillet 2021 le recours important au CDD peut également entraîner dans certains secteurs d’activités des cotisations de chômage supplémentaires pour l’entreprise. Le « gain » du CDD par rapport au délai de prévenance de rupture de période d’essai se trouve ainsi amoindri.

Le recours au CDD a aussi des impacts sur la poursuite du contrat : en cas d’embauche après le CDD, la durée du CDD vient réduire la période d’essai (qui le plus souvent n’existe donc plus) et l’ancienneté du salarié démarre de son embauche en CDD.

Enfin si le motif de recours au CDD n’est pas bon, et même si le salarié a été conservé, l’employeur risque des sanctions civiles, administratives et pénales.
Au final, le CDD présente l’apparence de la simplicité et il est actuellement bien accepté et toléré par le corps social. Pour autant, le recours au CDD pour embaucher sur un poste pérenne peut finalement coûter plus cher à l’entreprise qu’une embauche directe en CDI. La seule « utilité » consiste à omettre le délai de prévenance en cas de rupture de la période d’essai par l’employeur. 

Est-ce suffisant pour continuer à utiliser un outil juridiquement dangereux ? Il s’agit principalement d’un choix de gestion, dont il faut connaitre les risques. Pour vous éclairer à ce sujet, l’équipe de TEN France se tient à votre disposition.

Benoît Tripon
Avocat associé
Spécialisé en Droit du travail et Droit de la Sécurité Sociale
et de la protection sociale

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