L’utilité au cœur de la notion de titres de participation

L’utilité au cœur de la notion de titres de participation

Auteur : Laurent Aide – Avocat Associé Droit des Sociétés – Droit Fiscal et Douanier
Publié le : 30/08/2022 30 août août 08 2022

Le caractère de titres de participation éligibles au régime de quasi-exonération de la plus-value de cession desdits titres est dépendant d’éléments factuels propres à chaque situation. C’est ce que montre la jurisprudence à ce sujet, récemment alimentée par un nouvel arrêt du Conseil d’État. 


Par un arrêt Société AREVA du 22 juillet 2022, le Conseil d’Etat précise la définition des titres de participation éligibles au régime de quasi-exonération de la plus-value de cession desdits titres. Les sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés bénéficient en effet d’un régime d’exonération pour les titres de participation qu’elles détiennent, à l’exception de la réintégration d’une quote-part de frais et charges de 12 % dans le résultat fiscal de la société au taux courant de l’IS. 
L’encadrement légal et jurisprudentiel montre que le caractère de titres de participation est à étudier au cas par cas, en s’appuyant notamment sur la notion « d’utilité », établie à partir d’un faisceau d’indices.

Définition des titres de participation


Le droit fiscal ne définissant pas les titres de participation, il convient de se référer à la définition comptable prévue par le Plan Comptable Général*   :
-    « Constituent des participations les droits dans le capital d'autres personnes morales, matérialisés ou non par des titres, qui, en créant un lien durable avec celles-ci, sont destinés à contribuer à l'activité de la société détentrice ».
Il découle de cette définition, confirmée par la jurisprudence administrative, deux éléments essentiels à caractériser par la société détentrice des titres, à savoir un lien durable avec la société dont les titres sont détenus et l’utilité que l’activité de cette dernière lui apporte.
Il est à noter que le Code de commerce prévoit que :
-    « Constituent des participations les droits dans le capital d'autres personnes morales, matérialisés ou non par des titres, qui, en créant un lien durable avec celles-ci, sont destinés à contribuer à l'activité de la société détentrice ».

Présomption de qualification de titres de participation


Par simplification, il existe une présomption de qualification de titres de participation dès lors que la société détentrice possède au moins 10 % du capital, voire 5 % du capital.
Toutefois, l’Administration fiscale peut apporter la preuve contraire en démontrant qu’il ne s’agit pas de titres de participation quand bien même les titres représenteraient plus de 5% du capital de la société émettrice.
A l’inverse, la société détentrice peut démontrer que des titres représentant moins de 5% du capital peuvent être qualifiés de titres de participation. Toute la difficulté réside donc dans la démonstration du caractère utile des titres détenus lorsqu’ils représentent moins de 5% du capital.

L’utilité : une notion centrale


L’utilité établie à partir d’un faisceau d’indices. Dans sa jurisprudence ALPHAPRIM et HYPER PRIMEURS, le Conseil d’Etat a commencé par définir les titres de participation au regard de la notion comptable d’utilité puisqu’il énonce que :
-    « le plan comptable général précise que les titres de participation sont ceux dont la possession durable est estimée utile à l'activité de l'entreprise, notamment parce qu'elle permet d'exercer une influence sur la société émettrice des titres ou d'en assurer le contrôle ; qu'une telle utilité peut notamment être caractérisée si les conditions d'achat des titres en cause révèlent l'intention de l'acquéreur d'exercer une influence sur la société émettrice et lui donnent les moyens d'exercer une telle influence ».
Ainsi, l’utilisation de l’adverbe « notamment » par la juridiction administrative démontre que l’utilité des titres de participation peut être établie à partir  d’un faisceau d’indices. Dans les deux arrêts précités, la qualification de titres de participation a été admise compte tenu du fait que les actes d’acquisition prévoyaient l’augmentation progressive de la détention capitalistique des sociétés concernées dans le but de constituer une minorité de blocage.

Les notions de contrôle et d’influence. En confirmant sa précédente jurisprudence, le Conseil d’Etat a précisé, dans son arrêt EURL ALCI, que la seule circonstance que la société émettrice ait été placée en liquidation judiciaire n’avait pas pour effet de déqualifier les titres de participation en titres de placement, l’acquisition des titres ayant été réalisée dans le but d’assurer le contrôle de la société émettrice.
Ainsi, pour caractériser les titres de titres de participation, le Conseil d’Etat s’attache notamment aux notions de contrôle et d’influence. A ce titre, il a pu admettre la qualification de titres de participation dès lors que :
-    par l’acquisition des titres, la société détentrice a eu pour objectifs de devenir le troisième actionnaire de la société émettrice et d’implanter son activité sur le marché espagnol de l’énergie, et qu’il n’est pas prouvé que cet objectif n’ait pas été atteint (arrêt Société GDF SUEZ)
-    en plus d’avoir un droit d’information privilégié, le gérant de la société détentrice (quatrième actionnaire) siégeait au conseil de surveillance de la société émettrice, constituant alors un indice d’influence sur la gestion de cette dernière, peu important qu’il agisse en son nom personnel ou en tant que représentant de la société détentrice (arrêt SARL Montisambert).

L’intention de favoriser son activité. Toutefois, le Conseil d’Etat (arrêt SELARL LEMAIRE) ne se restreint pas aux notions de contrôle et d’influence pour caractériser l’utilité puisqu’elle peut être caractérisée par l’intention de favoriser son activité grâce à cette détention, eu égard aux prérogatives juridiques ou aux avantages qu’elle lui procure. Dans le cas d’espèce, la détention de 0,88 % du capital de la société d’exploitation de la clinique permettait au médecin (via sa SELARL) d’avoir un droit de priorité en matière d’hospitalisation et de plateau technique.

Le cas récent de la société AREVA. Enfin, par le récent arrêt Société AREVA, les titres de la société SUEZ détenus par la société AREVA à hauteur de 2 % des droits de vote (avec une perspective de 3,7 %) ont été qualifiés de titres de participation par le Conseil d’Etat qui a estimé le critère de l’utilité rempli compte tenu des indices suivants :
-    la société AREVA disposait de prérogatives juridiques dont la faculté de demander l’inscription de résolutions à l’assemblée générale ;
-    elle était le cinquième actionnaire de la société SUEZ en 2005 puis le troisième à compter de 2008 (outre l’actionnariat salarié) tout en sachant que les deux actionnaires principaux détenaient respectivement 11,5 % et 5,5 % des droits de vote ;
-    la présidente du directoire de la société AREVA disposait, à titre personnel, d’un siège au sein du conseil d’administration de la société SUEZ ;
-    cette prise de participation avait pour objectif le développement de la société AREVA en matière nucléaire en Belgique et en Europe 
-    les deux sociétés entretenaient déjà des relations d’affaires dans le domaine du nucléaire ;
-    et le chiffre d’affaires de la société AREVA avec le groupe SUEZ a été multiplié par trois après l’acquisition des titres de la société SUEZ.
 
*Article 221-3 du Plan Comptable Général


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Laurent Aide – Avocat Associé  
Droit des Sociétés – Droit Fiscal et Douanier
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