Attention aux propos sexistes en entreprise !

Attention aux propos sexistes en entreprise !

Auteurs : Mathéo ROSSI, avocat, droit social judiciaire ; Sarah LAGOUTTE, élève-avocate, droit social conseil
Publié le : 02/06/2022 02 juin juin 06 2022

Par une récente décision, la Cour de cassation rappelle que si le salarié peut librement exercer sa liberté d’expression dans l’entreprise, l’employeur reste toutefois en droit de sanctionner les abus, tels que le fait de tenir des propos sexistes. 


Suite à un propos à caractère sexiste formulé le 30 novembre 2017 à l’occasion d’une émission de télévision, un animateur a été licencié pour faute grave. Il entendait contester son licenciement au motif que la blague litigieuse relevait selon lui de la liberté d’expression de sorte que, en le sanctionnant, l’employeur aurait porté atteinte à l’exercice de son droit. L’affaire a finalement été tranchée par la Cour de cassation, laquelle a considéré, aux termes d’un arrêt du 20 avril 2022, que le licenciement de l’animateur ne portait pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression. Cette dernière peut effectivement être restreinte dans certains cas, notamment en cas de propos sexistes.

Des restrictions possibles à la liberté d’expression

En dehors et à l’intérieur de l’entreprise, les salariés peuvent en principe exercer librement leur liberté d’expression. Pour autant, à l’image des autres libertés individuelles et collectives garanties au salarié, l’employeur est en droit d’apporter des restrictions à l’usage de la liberté d’expression, à la condition que ces restrictions soient justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché.

L'abus du salarié dans l’exercice de sa liberté d'expression peut ainsi être sanctionné notamment lorsqu’il se matérialise par des propos injurieux, diffamatoires, excessifs, un dénigrement ou des accusations non fondées. Ainsi, bien que les propos formulés par l’animateur ne visaient pas une personne en particulier, ils se rapportaient directement aux violences faites aux femmes. 

Le cas des propos sexistes

Ainsi, au regard de ces propos, notamment en ce qu’ils reflétaient une banalisation des violences faites aux femmes, et de l’impact qu’ils pouvaient exercer sur les intérêts commerciaux de la chaîne, la Cour de cassation a considéré que la mesure de licenciement n'était pas disproportionnée et ne portait donc pas une atteinte excessive à la liberté d'expression du salarié.

Plusieurs circonstances aggravantes ont par ailleurs été retenues par la Haute juridiction et notamment le fait que les propos avaient été tenus en direct à une heure de grande écoute.

Il est également fait état de l’actualité sociale et médiatique en lien avec les mouvements #metoo et #blancetonporc ainsi que des annonces récentes de mesures prises par le Président de la République en vue de lutter contre les violences sexistes et sexuelles.

La lutte contre les agissements sexistes : un devoir de l’employeur

Dès lors, cet arrêt est l’occasion de rappeler qu’au titre de son obligation de santé et de sécurité, l’employeur doit prévenir la survenance d’agissements sexistes et réagir, le cas échéant.

Au titre de la prévention, l’inscription de l’interdiction de tels agissements doit figurer dans le règlement intérieur des entreprises qui en sont pourvues.

A défaut ou même en complément du règlement intérieur, l’employeur peut rédiger une note de service ou une charte définissant le terme d’agissements sexistes et précisant les comportements interdits, notamment en donnant des exemples.

L’information et la formation étant les piliers de la prévention des risques, il peut être particulièrement opportun de mettre en place un plan d’actions visant à instaurer une politique de prévention contre les agissements sexistes, ainsi que de mettre en œuvre un ou plusieurs journées de formation et de sensibilisation en la matière.

A noter : L’exercice de la liberté d’expression peut également être sanctionné lorsqu’il se heurte aux obligations contractuelles du salarié, comme c’est le cas dans l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt du 20 avril 2022. En effet, figurait dans le contrat de travail de l’animateur une clause par laquelle il s'engageait à respecter l'ensemble des dispositions du cahier des missions et des charges de France 2 et de la Charte des antennes de France Télévisions et notamment « le respect des droits de la personne », comme constituant « une des caractéristiques majeures de l'esprit devant animer les programmes des chaînes publiques de télévision ». L'article 4.2 de son contrat précisait en outre qu’une atteinte à ce principe constituerait une faute grave permettant à l’employeur, dès que celui-ci en serait informée, de rompre immédiatement le contrat.

Pour vous accompagner et vous conseiller sur ces questions, ou si vous avez besoin d’un appui judiciaire, le secteur social de TEN France se tient à votre disposition ! 


Mathéo ROSSI, avocat, droit social judiciaire
Sarah LAGOUTTE, élève-avocate, droit social conseil

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