Les artifices judiciaires développés par les juges du fond pour contourner l’application du barème Macron : une nouvelle saison est lancée

Les artifices judiciaires développés par les juges du fond pour contourner l’application du barème Macron : une nouvelle saison est lancée

Publié le : 29/10/2019 29 octobre oct. 10 2019

Depuis son instauration par les ordonnances du 22 septembre 2017, le barème Macron qui plafonne l’indemnisation des salariés en cas de reconnaissance judiciaire d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse fait couler beaucoup d’encre à tel point qu’il est devenu la storyline d’un véritable feuilleton juridique.

L’épisode pilote débute le 23 septembre 2017 avec l’entrée en vigueur du barème qui encadre par un plancher et un plafond l’indemnisation que peut escompter les salariés lors d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse en tenant compte du nombre de salariés dans l’entreprise et de l’ancienneté du salarié en question.

Premier rebondissement dans le feuilleton, certaines juges du fond ont rapidement jugé le barème non conventionnel au regard de certains textes internationaux (article 10 de la convention n°158 de l’OIT) et européens (article 24 de la Charte sociale européenne). Plusieurs épisodes judiciaires ont marqué à cette occasion l’application ou la non-application du barème dans certains contentieux, complexifiant incontestablement la compréhension des suites du feuilleton.

La fin de cette dramaturgie semblait actée avec les avis (et non un arrêt) de la Cour de cassation du 17 juillet 2019, qui avait écarté toute question d’inconventionnalité du barème. Le barème Macron devait donc vivre tel qu’il fut construit par les ordonnances Macron.

Sans doute, les juges du fond n’ont pas été convaincu par l’épisode final proposé par la Cour de cassation et ont souhaité rajouter une nouvelle saison dès la rentrée de septembre 2019. Deux décisions des Cours d’appel de Paris (CA Paris 18 septembre 2019, n°17/06676) et de Reims (CA Reims 25 septembre 2019 n°19/00003) ont de nouveau fait résistance à la mise en œuvre du barème tout en prenant acte des jalons posés par les avis de la Cour de cassation.

La plus explicite revient à la Cour d’appel de Reims qui considère que si le barème n’est pas contraire aux textes internationaux et européens, il existe tout de même un double contrôle de conventionnalité à mettre en œuvre : l’un abstrait (in abstracto) l’autre concret (in concreto). L’avis de la Cour de cassation n’ayant évoqué que le contrôle abstrait, le contrôle in concreto permet d’écarter une règle interne (en l’occurrence le barème légal), même si elle est conventionnelle, du moment qu’elle affecte de manière disproportionnée les droits des salariés.

Pour cela, il est nécessaire que le salarié démontre que le plafonnement de l’indemnisation fixé par le barème porte atteinte de manière disproportionné à ses droits. Doit-on comprendre que la remise en cause du plafond serait possible lorsque le salarié justifie que la limite d’indemnisation emporte des conséquences importantes notamment sur sa vie personnelle ou professionnelle (ex : charge de famille importante, difficultés pour retrouver un emploi…) ?

Voilà de quoi alimenter les scénaristes que sont les avocats et les juges au travers des futurs contentieux… Dans tous les cas, il faudra attendre une véritable décision de la Cour de cassation (à savoir à la suite d’un pourvoi) pour aboutir à une clarification sur l’application du barème et obtenir toutes les réponses souhaitées que l’on attend à la fin de toute série – même juridique- digne de ce nom.

Sébastien Mayoux,Consultant - Maître de conférence

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