La précision relative au port obligatoire du masque par le juge administratif

La précision relative au port obligatoire du masque par le juge administratif

Publié le : 23/03/2021 23 mars mars 03 2021

Dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, le pouvoir réglementaire a classiquement confié aux Préfets de département le pouvoir d’imposer le port du masque « lorsque les circonstances locales l’exigent » au niveau local (Art. 1 du décret n°2020-1310 du 29 octobre 2020, reprenant les précédentes dispositions).

Les arrêtés préfectoraux imposant le port obligatoire du masque dans les lieux publics se sont multipliés à la fin de l’été 2020. Depuis cette période, le juge administratif a été saisi, dans le cadre de référé-liberté, à plusieurs reprises de la légalité de ces arrêtés, ce qui lui a permis d’apporter des précisions sur cette mesure attentatoire aux libertés fondamentales.

Ainsi, dès la fin du mois d’août 2020, le juge des référés des Tribunaux administratifs de Pau, Lyon et Strasbourg ont été saisis d’une demande de suspension d’arrêtés préfectoraux imposant le port du masque dans différentes communes du département.
Dans ces trois ordonnances, le juge des référés a fait application des principes fondamentaux de police administrative, en vérifiant que l’adoption de ces mesures étaient nécessaires, adaptées, proportionnées et justifiées par des circonstances locales. En effet et par principe, toute mesure générale et absolue est à bannir.

Pour effectuer son contrôle, le juge administratif tient alors compte du taux d’infection dans le département, de la densité de personnes dans la zone concernée par le port obligatoire du masque, de la possibilité de respecter la distanciation physique et des capacités d’accueil du système médical départemental.

Parmi ces tribunaux administratifs, ceux de Lyon et de Strasbourg ont procédé à l’annulation de ces arrêtés préfectoraux, aux motifs que l’arrêté présentait un champ territorial concernant plusieurs communes, dont il n’était pas justifié qu’elles présentaient sur l’ensemble de leur territoire une forte concentration de population. Le juge a par ailleurs relevé que l’application de l’arrêté toute la journée et la nuit, sans limitation, renvoyait au caractère absolu de la mesure. Le juge des référés a donc enjoint les Préfets compétents de revoir leur décision.

Le Conseil d’Etat a rapidement été saisi pour préciser le cadre juridique de ces arrêtés imposant le port obligatoire du masque au sein d’un département. Ainsi, par deux ordonnances du 6 septembre 2020 (443750 et 443751), il réforme les décisions du juge des référés des Tribunaux administratifs de Strasbourg et Lyon.

Il rappelle alors classiquement que « le caractère proportionné d’une mesure de police s’apprécie nécessairement en tenant compte de ses conséquences pour les personnes concernées et de son caractère approprié pour atteindre le but d’intérêt général poursuivi ».

Cependant, il ajoute une précision inédite dans l’appréciation de la légalité d’une mesure de police administrative fondée sur son intelligibilité : « sa simplicité et sa lisibilité, nécessaires à sa bonne connaissance et à sa correcte application par les personnes auxquelles elle s’adresse, sont un élément de son effectivité qui doivent, à ce titre, être prises en considération ».

L’énonciation d’une telle condition d’intelligibilité vise directement les premiers arrêtés imposant le port du masque spécifiquement dans certaines rues ou places des communes, rendant le contrôle de cette mesure plus délicat.

Après s’être interrogé sur la justification de cette mesure, au regard de la situation sanitaire nationale et locale, mais également de l’efficacité de la mesure, le Conseil d’Etat admet que le Préfet peut imposer le port du masque dans des zones suffisamment larges, pour englober de façon cohérente les lieux caractérisés par une forte densité de population et dans lesquels la distanciation physique est difficile à mettre en œuvre.

En revanche, il reproche aux arrêtés contestés ne pas avoir exclu certaines zones de plusieurs des communes considérées, notamment lorsqu’un centre-ville peut être plus aisément identifié.

Le Conseil d’Etat valide, par ailleurs, la possibilité d’imposer le port du masque sans distinction d’horaire.

Le juge des référés du Tribunal administratif de Toulouse du 15 février 2021 a confirmé cette jurisprudence (n°2100723), en annulant l’arrêté du 21 janvier 2021 pris par la Préfète de l’Aveyron et prescrivant le port du masque pour les personnes de onze ans et plus sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public sur la totalité du territoire départemental.

Ainsi, le juge des référés relève que le département de l’Aveyron est caractérisé par de nombreuses zones à faible densité de population, ce qui ne justifie pas l’adoption d’un arrêté imposant le port du masque de manière aussi généralisée.

Une telle ordonnance permet alors de mettre en avant l’interdiction du caractère général et absolu d’une mesure de police administrative et la nécessaire réalité de circonstances locales justifiant sa mise en œuvre.

Les Préfets imposant le port du masque dans les espaces publics, sont donc tenus d’édicter des mesures nécessaires au regard d’un contexte sanitaire critique réel, adaptée à la densité de population locale et délimitant clairement les zones de port du masque, dans un souci d’intelligibilité.

Le juge administratif est alors garant du respect de ces principes de police administrative, afin de veiller à la proportion des mesures édictées par rapport à l’atteinte aux libertés fondamentales, particulièrement à la liberté d’aller et venir et la liberté personnelle.
Il en va de notre Etat de droit, même durant l’état d’urgence sanitaire, fondé sur la règle selon laquelle la liberté demeure le principe et l’interdiction, l’exception.

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