Professionnels de santé : la loi anti-cadeaux renforcée

Professionnels de santé : la loi anti-cadeaux renforcée

Publié le : 09/10/2020 09 octobre oct. 10 2020

Le dispositif anti-cadeaux renforcé visant à préserver l’indépendance des professionnels de santé est entré en vigueur le 1er octobre 2020
Un décret du 15 juin 2020[1], deux arrêtés [2] du 7 août 2020 et enfin deux arrêtés du 24 septembre 2020[3]ont apporté les derniers détails techniques au renforcement de ce dispositif et n’ont laissé que peu de temps aux entreprises pour s’adapter à l’importance des changements introduits.
Le nouveau cadre législatif et réglementaire étend le champ d’application du dispositif, encadre les exceptions et dérogation à l’interdiction de l’octroi d’avantages en prévoyant des seuils applicables aux différentes situations (rémunération, dons, hospitalité, etc.) et instaure un nouveau système d’autorisation préalable, conférant aux Ordres professionnels un véritable pouvoir de contrôle, ce qui constitue une modification de fond du dispositif.

I - Le renforcement de l’interdiction pour les industriels de proposer ou d’octroyer des avantages aux professionnels de santé

L’Ordonnance du 19 janvier 2017[4] avait déjà considérablement élargi le champ des entreprises et bénéficiaires concernés par le dispositif anti-cadeaux.

a. Industriels concernés

Les sociétés concernées sont celles assurant des prestations, produisant ou commercialisant des produits pris en charge par les régimes obligatoires de Sécurité Sociale, ou mentionnés à l’article L.5311-1 du Code de la Santé Publique.
Le dispositif n’est pas réservé à l’industrie pharmaceutique. Il suffit pour une société de détenir un seul produit remboursable dans son portefeuille pour l’assujettir aux obligations de la loi anti-cadeaux pour l’intégralité de ses activités, même si ses relations avec les professionnels de santé concernent exclusivement des produits non-remboursables.
Sont finalement concernées toutes les entreprises produisant ou commercialisant un panel très large de produits, qu’ils soient remboursables ou non, allant des médicaments, au lait maternisé, en passant par les produits sanguins, les logiciels d’aide au diagnostic, mais aussi les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro. Seuls sont expressément exclus par la législation les entreprises fabriquant ou commercialisant des lentilles oculaires non correctrices, des produits cosmétiques et des produits de tatouage.

b. Bénéficiaires concernés[5]

  • Les personnes exerçant une profession de santé réglementée par le Code de la santé publique, ainsi que les ostéopathes, les chiropracteurs et les psychothérapeutes ;
  • Les étudiants de ces différentes professions ;
  • Les associations, les sociétés savantes (qui étaient auparavant expressément exclues) et les conseils nationaux ;
  • Les fonctionnaires et agents des administrations participant à l’élaboration d’une politique en matière de santé ou de Sécurité Sociale
 

c. Avantages visés

La notion d’avantages s’entend largement et inclut les cadeaux, la prise en charge des frais de repas, d’hébergement ou de transport, la mise à disposition gratuite de matériel, les remises sur l’achat matériel, etc.

Les exceptions (pas de déclaration ou d’autorisation) à l’interdiction d’octroi d’avantages ne concernent plus que :
  • La rémunération, l’indemnisation et le défraiement versés dans le cadre d’un contrat de travail ou d’exercice ayant pour objet l’exercice direct et exclusif de la profession visée ;
  • Les produits issus de l’exploitation de la cession de droit propriété intellectuelle concernant un produit santé (royalties issues de brevet);
  • Les avantages commerciaux versés dans le cadre de l’achat de biens et de prestations de services relevant du Code de commerce (remises commerciales dans le cadre de l’achat de médicaments par exemple);
  • Les avantages d’une valeur négligeable qui ont trait à l’exercice de la profession (oui par exemple les blocs notes, agendas et autres stylos; non par contre aux bouteilles de vin et de champagne)



Concernant cette dernière catégorie (avantages d’une valeur négligeable ayant trait à l’exercice de la profession), un arrêté du 7 août 2020[6] est venu préciser les seuils en deçà desquels les avantages sont considérés comme négligeables :
 
Avantages Seuils
Repas et collations 30 € / repas
2 fois max par année civile
Livre, ouvrage, revue, abonnement 30 € / ouvrage
Limité à 150 € par année civile (abonnements inclus)
Echantillons de produits de santé
SAUF échantillons de démonstration à but pédagogique
20 € / échantillons
3 échantillons max par année civile
Fourniture de bureaux 20 € max par année civile
Autre produit ou service
SAUF les produits dont la fourniture aux professionnels est demandée par une autorité publique
20 € max par année civile


Le nouveau dispositif met en place un contrôle des cas dérogatoires par un mécanisme de déclaration ou autorisation préalable, selon le montant des avantages concernés par chaque convention[7].
Au-delà des seuils listés dans le tableau ci-dessous, la convention est soumise à autorisation préalable de l’Ordre.
 
Dérogations listées Professions médicales Etudiants Associations, sociétés savantes et conseils nationaux
Rémunération, indemnisation et  défraiement d’activités de recherche, évaluation scientifique, conseil, prestation de services ou  promotion commerciale 200 € / h
800 € / ½ journée
Max 2.000 € par convention
50 € / h
320 € / ½ journée
Max 800 € par convention
200 € / h
800 € / ½ journée
Max 2.000 € par convention
 
 
Dons et libéralités finançant exclusivement la recherche ou l’évaluation scientifique 5.000 € 1.000 € 8.000 € (financement d’activités de recherche ou d’évaluation scientifique)
1.000 € (autre finalité en lien avec la santé)
10.000 € (destiné à des associations d’utilité publique)
Hospitalité offerte lors de manifestations exclusivement professionnelles ou scientifiques ou de promotion de produits et prestations 150 € / nuit
50 € / repas
15 € / collation
Max
Interdit
                ___
Financement d’actions de formation professionnelle ou de développement professionnel continu 20 € max par année civile           
          ___
             
                ___


II - Le renforcement de la procédure par l’introduction d’un mécanisme d’autorisation préalable par les Ordres professionnels
Le renforcement des restrictions s’accompagne d’une modification en profondeur de la procédure.
Alors que depuis une vingtaine d’années, les Ordres professionnels rendaient des avis non obligatoires, ces derniers sont désormais habilités à délivrer des autorisations préalables.
En deçà des seuils fixés par arrêté[8] et rappelés dans le second tableau ci-dessus, le régime déclaratif antérieur continue à s’appliquer.
Au-delà, la convention ainsi que certaines pièces justificatives, selon l’objet de la convention, doivent être transmises à l’Ordre ou à l’Agence Régionale de Santé (ARS) pour les professionnels ou auxiliaires de santé sans ordre, par la téléprocédure[9].



Sans constituer une véritable révolution, ce renforcement du dispositif et de sa procédure va nécessiter une réorganisation tant au sein des Ordres professionnels que des entreprises.
Il semble nécessaire pour les entreprises du secteur d’évaluer leurs pratiques actuelles et de les mettre en conformité avec le nouveau dispositif, notamment par la mise à jour de leurs contrats et la mise en œuvre d’action de formation en interne.
Ce renforcement du dispositif pourrait s’accompagner dans les prochains mois de nouvelles campagnes de contrôle auprès des industriels et professionnels de santé.
Les sanctions pénales en cas de non-respect du dispositif anti-cadeaux avaient été renforcées depuis l’Ordonnance du 19 janvier 2017[10] :
  • Les industriels encourent jusqu’à 750.000 € d’amende - ou 50% des dépenses engagées pour la pratique litigieuse - ainsi que des peines complémentaires comme l’interdiction d’activité ou l’exclusion des marchés publics, et jusqu’à 2 ans d’emprisonnement ;
  • Les bénéficiaires (professionnels de santé, étudiants, associations) encourent jusqu’à 1 an d’emprisonnement, 75.000 € d’amende et des peines complémentaires comme l’interdiction d’exercice.


 
Par Maître Céline PEREZ
 
[1] Décret n°2020-730 du 15 juin 2020 relatif aux avantages offerts par les personnes fabricant ou commercialisant des produits ou des prestations de santé
[2] Arrêté du 7 août 2020 fixant les montants en deçà desquels les avantages en nature ou es espèces sont considérés comme d’une valeur négligeable en application de l’article L.1453-6 du Code de la Santé Publique et Arrêté du 7 août 2020 fixant les montants à partir desquels une convention prévue à l’article L.1453-8 du Code de la Santé Publique et stipulant l’octroi d’avantages est soumise à autorisation
[3] Arrêté du 24 septembre 2020 portant sur la typologie thématique des avantages et des conventions en application de l’article R. 1453-14 du code de la santé publique et arrêté du 24 septembre 2020 portant création d'une télé-procédure visant à faciliter la transmission des conventions stipulant l'octroi des avantages dénommé « Ethique des professionnels de santé » (EPS)
[4] Ordonnance n°2017-49 du 19 janvier 2017 relative aux avantages offerts par les personnes fabriquant ou commercialisant des produits ou des prestations de santé
[5] Article L.1453-4 du Code de la Santé Publique
[6] Arrêté du 7 août 2020 fixant les montants en deçà desquels les avantages en nature ou es espèces sont considérés comme d’une valeur négligeable en application de l’article L.1453-6 du Code de la Santé Publique
[7] Arrêté du 7 août 2020 fixant les montants à partir desquels une convention prévue à l’article L.1453-8 du Code de la Santé Publique et stipulant l’octroi d’avantages est soumise à autorisation.
[8] Arrêté du 7 août 2020 fixant les montants en deçà desquels les avantages en nature ou es espèces sont considérés comme d’une valeur négligeable en application de l’article L.1453-6 du Code de la Santé Publique
[9]Arrêté du 24 septembre 2020 portant création d'une télé-procédure visant à faciliter la transmission des conventions stipulant l'octroi des avantages dénommé « Ethique des professionnels de santé » (EPS)
[10] Ordonnance n°2017-49 du 19 janvier 2017 relative aux avantages offerts par les personnes fabriquant ou commercialisant des produits ou des prestations de santé
 

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